J’ai été interrogé, aux côtés d’autres experts, pour la couverture du Point de cette semaine consacrée aux écrans.
https://www.lepoint.fr/versions-numeriques/
N° 2452 –
Archives de catégorie : Les enfants et les nouvelles technologies
Pourquoi Fortnite fascine les ados ?
Votre enfant veut gagner des millions… à Fortnite en devenant joueur professionnel ? Ou passe tout simplement trop de temps sur ce jeu ? Voici quelques arguments pour l’en dissuader…
Qu’est-ce que Fortnite ?
Il existe en fait trois jeux Fortnite, mais le plus populaire est Fortnite Battle Royal, joué, à un moment ou un autre, par 250 millions de personnes à travers le monde, depuis son lancement en décembre 2017. Il a la particularité d’être joué par des joueurs plus jeunes et plus de filles que la plupart des autres jeux vidéo.
Fortnite est un jeu vidéo en ligne, multijoueur et avec « vue à la troisième personne » (le joueur voit le jeu à travers une caméra placée derrière ou à côté de lui ; c’est un peu moins stressant que les jeux de tir « à la première personne » où le joueur voit le jeu à travers ses propres yeux).
Il est disponible pour la plupart des ordinateurs, des smartphones et des consoles de jeu.
Le scénario est assez basique : les joueurs sont parachutés quelque part dans un univers qui va se rétrécir, ce qui les oblige à se rencontrer et s’éliminer par armes virtuelles.
Jusqu’à une centaine de joueurs peuvent s’affronter. Ils peuvent jouer seuls ou par équipe de 2 à 4. Le jeu se termine lorsqu’il ne reste plus qu’une équipe ou un seul joueur. Les parties durent en moyenne une vingtaine de minutes.
Pourquoi ce jeu est-il aussi populaire ?
Comme une seule équipe ou un seul joueur gagne, tous ceux qui ont perdu veulent immédiatement jouer la revanche. Le jeu peut alors devenir addictif.
Le jeu de base est gratuit. Les joueurs peuvent cependant acheter des skins (personnalisations de l’apparence du joueur) ou des pouvoirs.
L’environnement ressemble à celui d’un dessin animé, avec peu d’images « sanguinolentes ».
La décontraction est de mise : l’ambiance est plutôt bon enfant et les joueurs peuvent exprimer leurs sentiments, par exemple en dansant (la danse “Take the L(oss)” a été popularisée par Antoine Griezmann sur les terrains de foot)
Le jeu fonctionne par « saisons » : une nouvelle version du jeu sort tous les deux ou trois mois, ce qui renouvelle l’intérêt pour le jeu.
Il est très populaire sur les réseaux sociaux, car certaines célébrités y jouent.
Les équipes marketing d’Epic Games, l’éditeur du jeu, ont noué des accords commerciaux avec de grandes marques : il existe une version Fortnite du célèbre Monopoly ; dans une version temporaire de Fortnite, les joueurs pouvaient accéder à des armes appartenant aux super-héros des films de la série Avengers, comme le marteau de Thor ou les « Répulseurs » d’Iron Man…
Epic Games crée régulièrement des événements autour du jeu. Son plus beau « coup » étant l’organisation d’une compétition mondiale, la Fortnite World Cup, les 27 et 28 juillet 2019, à Flushing Meadows (New-York, États-Unis). Environ 40 millions de joueurs ont participé aux éliminatoires. Fortnite aurait vendu plus de 19 000 billets entre 50 et 150 dollars (soit quelque 19 millions de dollars de recettes, de quoi couvrir une partie des 36 millions distribués aux vainqueurs des différentes compétitions). Et le nombre de téléspectateurs, en simultané sur YouTube et Twitch (1) a atteint les 2,3 millions (2).
Que dire aux enfants ?
Il ne faut surtout pas rabaisser les pré-ados et les ados qui se passionnent pour Fortnite en leur disant qu’ils perdent leur temps dans une activité stupide.
Il semble plus efficace de s’intéresser à leur passion, de leur demander ce qui les attire (le jeu en lui-même, le fait d’affronter d’autres personnes…), de faire éventuellement équipe avec eux lors d’une partie…
Votre enfant sera flatté que vous vous intéressiez à son activité favorite du moment et vous saurez dorénavant de quoi vous parlerez lorsque vous discuterez de Fortnite avec lui…
Au cours de ces dialogues, l’idéal serait de faire comprendre petit à petit à votre ado que Fortnite est surtout une affaire de gros sous (en 2018, le jeu a rapporté 2,4 milliards de dollars – 2,16 milliards d’euros – à son éditeur).
Votre enfant veut devenir joueur professionnel ?
Pourquoi pas 😉 Mais pour beaucoup d’appelés (250 millions de joueurs…), il y aura très peu d‘élus : quelques dizaines de joueurs se sont partagés les 36 millions de dollars distribués lors de la coupe du monde 2019. Par sécurité, votre enfant ferait mieux d’assurer ses arrières en travaillant bien au collège ou au lycée, afin de pouvoir faire des études supérieures, au cas où sa carrière de joueur tourne court.
Elle risque de tourner d’autant plus court que l’engouement pour Fortnite va forcément retomber un jour ou l’autre, au profit d’un nouveau jeu…
S’il veut être sûr de gagner de l’argent avec les jeux vidéo, il ferait mieux de faire des études lui permettant d’entrer chez un éditeur de jeux. Ce sont les éditeurs qui gagnent le plus d’argent, pas les joueurs !
En attendant, dites-lui qu’il peut jouer, mais modérément : maximum deux ou trois parties de 20 minutes chacune par jour en semaine pendant l’année scolaire. Un peu plus le week-end et pendant les vacances. Il est important de faire une pause entre les parties pour faire retomber l’excitation. Et plus un enfant passe de temps devant les écrans, moins ses résultats scolaires risquent d’être bons…
Idéalement, pas d’écran après le dîner.
Que peuvent faire les parents ?
Si leurs enfants jouent sur des consoles de jeux (Nintendo Switch, Microsoft XBox ou Sony Playstation), les parents peuvent activer le contrôle parental de ces consoles pour limiter le temps que leurs enfants vont y passer.
Sur les ordinateurs Mac et Windows, il est possible de configurer des sessions qui offrent un accès global à l’ordinateur à tel ou tel enfant pendant une durée quotidienne limitée.
Sur les smartphones sous Android (Samsung…) et les versions les plus récentes d’iOS (iPhone), il est possible de limiter l’accès global au téléphone.
____
- Twitch est une plateforme de streaming permettant de voir des parties de jeu vidéo en direct ou en différé.
- Source pour tous les chiffres concernant la Fortnite World Cup : communiqué de presse Epic Games : https://www.epicgames.com/fortnite/fr/news/the-fortnite-world-cup-a-record-setting-tournament
À L’Argentière-La Bessée (05), le vendredi 15 juin 2018, pour parler de « Jeux vidéos, smartphones, réseaux sociaux : comment aider nos enfants à en faire bon usage »
Le vendredi 15 juin 2018, je serai à L’Argentière-La Bessée (05) pour intervenir le matin devant les élèves de 5ème et 4ème du Collège les Giraudes et pour donner en fin d’après-midi une conférence tous publics sur le thème « Jeux vidéos, smartphones, réseaux sociaux : comment aider nos enfants à en faire bon usage ».
La conférence tous publics aura lieu à l’invitation du Centre SocioCulturel des Écrins de L’Argentière-La Bessée.
18H
Centre SocioCulturel des Écrins, Espace Jeunesse
05120 L’Argentière-La Bessée
Vendredi 6 avril 2018, à Cazères-sur-Garonne (31) pour intervenir devant collégiens et parents
Vendredi 6 avril 2018, je serai à Cazères-sur-Garonne (31) pour donner l’après-midi une conférence devant des collégiens sur le bon usage des nouvelles technologies et pour intervenir le soir devant les parents sur le thème « Comment aider nos enfants à faire bon usage des écrans ».
Ces conférences auront lieu à l’invitation de la Maison pour Tous de Cazères.
Conférence pour les parents :
- Vendredi 6 avril à 20h30 au Cinéma des Capucins (rue des Capucins, 31220 Cazères)
- Réservation 05.61.90.20.72 / 5 €
- Public : parents et toutes personnes concernées. Cette conférence, s’adressant exclusivement aux adultes, un espace lecture adapté et encadré à partir de 6 ans est prévu : RDV à l’accueil du cinéma à 20h !
A Besançon (Doubs), les 7 et 8 avril prochains, pour intervenir devant collégiens, lycéens et parents sur le bon usage des nouvelles technologies
Apprendre aux enfants à déjouer les pièges des applications et des sites Web « addictifs »
Pourquoi il faut apprendre aux enfants à bien paramétrer Facebook : demain, ce seront les données des autres qu'ils ne respecteront pas
Devenus adultes, les ados d’aujourd’hui travailleront peut-être dans l’analyse des données, un métier en plein essor. Si nous ne les aidons pas, maintenant, à faire respecter, sur Facebook, leur intimité et à respecter celle de leurs amis, ils risquent fort de ne pas acquérir de bons réflexes en termes de défense de la vie privée. Et de conserver ces comportements dans leur travail, où ils seront justement conduits à manipuler des données personnelles. Les conséquences pourraient être catastrophiques sur les libertés individuelles.
Adam D. I. Kramer, Jamie E. Guillory et Jeffrey T. Hancock – photos extraites de leurs profils Facebook ou Linkedin
Trois brillants trentenaires américains, Adam D. I. Kramer, «data scientist» (data scientifique ou chargé de modélisation des données) au service « Recherche » de Facebook, Jamie E. Guillory, chercheuse postdoctorale à l’université de San Francisco, et Jeffrey T. Hancock, professeur à l’université Cornell (Ithaca, état de New York), ont publié le 17 juin 2014 une étude intitulée « Preuve expérimentale de contagion émotionnelle à grande échelle par l’intermédiaire des réseaux sociaux » (« Experimental evidence of massive-scale emotional contagion through social networks »).
Ces trois titulaires d’un doctorat (en communication pour la jeune femme et en psychologie pour ses deux collègues) y affirment avoir modifié les contenus vus par 689 003 utilisateurs, consultant Facebook en anglais, du 11 au 18 janvier 2012 ; ils voulaient prouver que plus un internaute voyait de messages négatifs sur ce réseau, plus il aurait tendance à publier lui-même des messages négatifs ; inversement avec les messages positifs.
Les résultats de ce travail doivent être relativisés, puisque seulement 0,1% à 0,07% des internautes auraient modifié leur comportement. Mais sa révélation a, fort justement, suscité un tollé dans le monde entier : certes Facebook n’a rien à se reprocher sur le plan légal (1), mais avait-il le droit moral de manipuler ses utilisateurs ?
Voilà trois jeunes gens bardés de diplômes qui n’ont pas réfléchi aux conséquences de leurs agissements. Comment le pourraient-ils ? Voilà des années qu’ils dévoilent leur vie sur les réseaux sociaux : Jeffrey T. Hancock et Jamie E. Guillory utilisent Facebook depuis 2004, et Adam D. I. Kramer, depuis 2007.
Ils pourraient servir de cobayes pour une étude validant la prophétie que Mark Zuckberg, le fondateur de Facebook, fit en 2010 : « la vie privée n’est plus une norme sociale.» Comment des jeunes gens, à qui ce réseau social a fait perdre la notion même de vie privée, pour eux, mais aussi pour les autres – ce qui leur a donc fait ôter une grande partie de ce qui constitue le respect d’autrui-, pourraient-ils avoir des remords en manipulant les informations envoyées à des internautes ?
Voilà bien ce qui risque d’arriver si nous n’ouvrons pas les yeux de nos adolescents sur le modèle économique des sites Internet gratuits comme les réseaux sociaux (ils revendent nos données à des entreprises, sous formes de publicité) et si nous ne les sensibilisons pas au respect de la vie privée, entre autres en leur montrant comment paramétrer correctement leur profil Facebook : devenus adultes, s’ils travaillent sur des données personnelles, ils risquent de ne pas les estimer à leur juste valeur.
Or, ces données sont aussi précieuses que les êtres humains qu’elles représentent, puisqu’elles en constituent le « double numérique ».
Il est donc urgent de former les jeunes au respect des données : nombre d’entre eux vont devenir data scientist, comme Adam D. I. Kramer. On estime à un million le nombre de spécialistes de cette science qu’il va falloir former au cours des dix prochaines années dans le monde.
Nous vivons une « datafication (2) » de nos sociétés : bientôt tous les êtres humains, tous les objets produiront des données, par l’intermédiaire des capteurs dont ils seront équipés (un smartphone, par exemple, contient plusieurs capteurs permettant de suivre son propriétaire quasiment à la trace).
Schématiquement, on peut dire que l’analyse de cette quantité d’informations incroyables à laquelle l’humanité a désormais accès, constitue ce que l’on appelle le « Big Data » ; l’objectif du « Big Data » étant de trouver, au sein de ces données, des corrélations (des règles), qui vont expliquer des phénomènes jusqu’ici mystérieux. Puis de s’en servir pour réaliser des prédictions : quel traitement va le mieux marcher sur tel malade ? quelle pièce sur tel modèle d’avion assemblé telle année dans telle usine présente un risque de « casser » ? ou qui a le plus de chance de voter pour tel candidat (3) ?
Voici ce qu’a répondu Stéphane Mallat, 50 ans, mathématicien, professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, lorsque j’ai demandé si les scientifiques n’avaient pas l’impression, avec le Big Data, de jouer avec le feu :«[…] un outil scientifique, on le sait très bien, on peut l’utiliser à des objectifs qui peuvent être complètement différents. Une roue, ça peut servir à faire un char de guerre tout comme à transporter de la nourriture. C’est absolument clair que les outils de Big Data peuvent avoir des effets nocifs de surveillance et il faut pouvoir le contrôler, donc là, c’est à la société d’établir des règles et surtout d’abord de comprendre la puissance pour pouvoir adapter la législation, les règles à l’éthique. A partir de là, en même temps, il faut bien réaliser qu’avec ces outils, on est capable de potentiellement considérablement améliorer la médecine, notamment en définissant des cures qui ne sont plus adaptées à un groupe de population, mais à une personne en fonction de son génome de son mode de vie.[…] Donc ce que je pense, c’est que c’est un outil extraordinairement riche et ensuite, c’est à nous tous en termes de société de s’assurer qu’il est utilisé à bon escient. (4) »
Commençons par éduquer nos ados au respect de leur propre vie privée.
___
(1) La Politique d’utilisation des données de Facebook précise « […] nous pouvons utiliser les informations que nous recevons à votre sujet : […] pour des opérations internes, dont le dépannage, l’analyse de données, les tests, la recherche et l’amélioration des services.»
(2) Victor Mayer-Schönberger, Kenneth Cukier, « Big Data A revolution that will transform how we live, work and think», Hougthon Mifflin Harcourt, Boston New York, 2013 p. 15
(3) voir mon livre « Silicon Valley / Prédateurs Vallée ? Comment Apple, Facebook, Google et les autres s’emparent de nos données »
(4) le phénomène Big Data, Les fondamentales (CNRS), La Sorbonne, 15 novembre 2013, à réécouter sur http://ift.tt/1snUCUo (je pose ma question 1H05 après le début du débat).
Pourquoi il faut apprendre aux enfants à bien paramétrer Facebook : demain, ce seront les données des autres qu’ils ne respecteront pas
Devenus adultes, les ados d’aujourd’hui travailleront peut-être dans l’analyse des données, un métier en plein essor. Si nous ne les aidons pas, maintenant, à faire respecter, sur Facebook, leur intimité et à respecter celle de leurs amis, ils risquent fort de ne pas acquérir de bons réflexes en termes de défense de la vie privée. Et de conserver ces comportements dans leur travail, où ils seront justement conduits à manipuler des données personnelles. Les conséquences pourraient être catastrophiques sur les libertés individuelles.
Adam D. I. Kramer, Jamie E. Guillory et Jeffrey T. Hancock – photos extraites de leurs profils Facebook ou Linkedin
Trois brillants trentenaires américains, Adam D. I. Kramer, «data scientist» (data scientifique ou chargé de modélisation des données) au service « Recherche » de Facebook, Jamie E. Guillory, chercheuse postdoctorale à l’université de San Francisco, et Jeffrey T. Hancock, professeur à l’université Cornell (Ithaca, état de New York), ont publié le 17 juin 2014 une étude intitulée « Preuve expérimentale de contagion émotionnelle à grande échelle par l’intermédiaire des réseaux sociaux » (« Experimental evidence of massive-scale emotional contagion through social networks »).
Ces trois titulaires d’un doctorat (en communication pour la jeune femme et en psychologie pour ses deux collègues) y affirment avoir modifié les contenus vus par 689 003 utilisateurs, consultant Facebook en anglais, du 11 au 18 janvier 2012 ; ils voulaient prouver que plus un internaute voyait de messages négatifs sur ce réseau, plus il aurait tendance à publier lui-même des messages négatifs ; inversement avec les messages positifs.
Les résultats de ce travail doivent être relativisés, puisque seulement 0,1% à 0,07% des internautes auraient modifié leur comportement. Mais sa révélation a, fort justement, suscité un tollé dans le monde entier : certes Facebook n’a rien à se reprocher sur le plan légal (1), mais avait-il le droit moral de manipuler ses utilisateurs ?
Voilà trois jeunes gens bardés de diplômes qui n’ont pas réfléchi aux conséquences de leurs agissements. Comment le pourraient-ils ? Voilà des années qu’ils dévoilent leur vie sur les réseaux sociaux : Jeffrey T. Hancock et Jamie E. Guillory utilisent Facebook depuis 2004, et Adam D. I. Kramer, depuis 2007.
Ils pourraient servir de cobayes pour une étude validant la prophétie que Mark Zuckberg, le fondateur de Facebook, fit en 2010 : « la vie privée n’est plus une norme sociale.» Comment des jeunes gens, à qui ce réseau social a fait perdre la notion même de vie privée, pour eux, mais aussi pour les autres – ce qui leur a donc fait ôter une grande partie de ce qui constitue le respect d’autrui-, pourraient-ils avoir des remords en manipulant les informations envoyées à des internautes ?
Voilà bien ce qui risque d’arriver si nous n’ouvrons pas les yeux de nos adolescents sur le modèle économique des sites Internet gratuits comme les réseaux sociaux (ils revendent nos données à des entreprises, sous formes de publicité) et si nous ne les sensibilisons pas au respect de la vie privée, entre autres en leur montrant comment paramétrer correctement leur profil Facebook : devenus adultes, s’ils travaillent sur des données personnelles, ils risquent de ne pas les estimer à leur juste valeur.
Or, ces données sont aussi précieuses que les êtres humains qu’elles représentent, puisqu’elles en constituent le « double numérique ».
Il est donc urgent de former les jeunes au respect des données : nombre d’entre eux vont devenir data scientist, comme Adam D. I. Kramer. On estime à un million le nombre de spécialistes de cette science qu’il va falloir former au cours des dix prochaines années dans le monde.
Nous vivons une « datafication (2) » de nos sociétés : bientôt tous les êtres humains, tous les objets produiront des données, par l’intermédiaire des capteurs dont ils seront équipés (un smartphone, par exemple, contient plusieurs capteurs permettant de suivre son propriétaire quasiment à la trace).
Schématiquement, on peut dire que l’analyse de cette quantité d’informations incroyables à laquelle l’humanité a désormais accès, constitue ce que l’on appelle le « Big Data » ; l’objectif du « Big Data » étant de trouver, au sein de ces données, des corrélations (des règles), qui vont expliquer des phénomènes jusqu’ici mystérieux. Puis de s’en servir pour réaliser des prédictions : quel traitement va le mieux marcher sur tel malade ? quelle pièce sur tel modèle d’avion assemblé telle année dans telle usine présente un risque de « casser » ? ou qui a le plus de chance de voter pour tel candidat (3) ?
Voici ce qu’a répondu Stéphane Mallat, 50 ans, mathématicien, professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, lorsque j’ai demandé si les scientifiques n’avaient pas l’impression, avec le Big Data, de jouer avec le feu :«[…] un outil scientifique, on le sait très bien, on peut l’utiliser à des objectifs qui peuvent être complètement différents. Une roue, ça peut servir à faire un char de guerre tout comme à transporter de la nourriture. C’est absolument clair que les outils de Big Data peuvent avoir des effets nocifs de surveillance et il faut pouvoir le contrôler, donc là, c’est à la société d’établir des règles et surtout d’abord de comprendre la puissance pour pouvoir adapter la législation, les règles à l’éthique. A partir de là, en même temps, il faut bien réaliser qu’avec ces outils, on est capable de potentiellement considérablement améliorer la médecine, notamment en définissant des cures qui ne sont plus adaptées à un groupe de population, mais à une personne en fonction de son génome de son mode de vie.[…] Donc ce que je pense, c’est que c’est un outil extraordinairement riche et ensuite, c’est à nous tous en termes de société de s’assurer qu’il est utilisé à bon escient. (4) »
Commençons par éduquer nos ados au respect de leur propre vie privée.
___
(1) La Politique d’utilisation des données de Facebook précise « […] nous pouvons utiliser les informations que nous recevons à votre sujet : […] pour des opérations internes, dont le dépannage, l’analyse de données, les tests, la recherche et l’amélioration des services.»
(2) Victor Mayer-Schönberger, Kenneth Cukier, « Big Data A revolution that will transform how we live, work and think», Hougthon Mifflin Harcourt, Boston New York, 2013 p. 15
(3) voir mon livre « Silicon Valley / Prédateurs Vallée ? Comment Apple, Facebook, Google et les autres s’emparent de nos données »
(4) le phénomène Big Data, Les fondamentales (CNRS), La Sorbonne, 15 novembre 2013, à réécouter sur http://ift.tt/1snUCUo (je pose ma question 1H05 après le début du débat).
Comment sécuriser un smartphone (ou une tablette) sous Android
Les filtres parentaux proposés par votre opérateur de téléphonie mobile ne fonctionnent que si le smartphone de votre enfant est connecté à Internet par l’intermédiaire du réseau de téléphonie mobile de votre opérateur. Voici comment totalement verrouiller les recherches effectuées depuis un appareil sous Android, en particulier lorsque votre enfant utilise son smartphone ou sa tablette à partir d’une borne Wifi non sécurisée, par exemple chez un ami (pour les iPhone, Ipad et autres iPod Touch d’Apple, voir ici).
Il y a encore quelques semaines, je débutais mes conférences sur le thème des enfants et des nouvelles technologies par une « accroche », une petite histoire plutôt charmante : lorsque notre aîné avait six ans, il m’avait demandé pourquoi les lions avaient une crinière, ce qui m’avait amené à faire une recherche sur Internet ; j’avais trouvé deux types de réponses, des documents scientifiques qui expliquent le rôle de la crinière dans la reproduction des lions (textes donc difficilement montrables à un enfant de six ans) et puis des contes (par exemple, les lions avaient une fourrure jusqu’au bout de la queue, ils ont demandé à leurs copines les lionnes de les aider, les lionnes ont taillé la fourrure avec des pierres qui se sont brisées au niveau de la crinière, c’est depuis ce temps-là que les lions ont une crinière…).
Je me demande si je ne devrais pas désormais commencer mes conférences par une histoire, hélas, plus « trash ».
Nos enfants ont en effet grandi. Il y a quelques semaines, je suis rentré un mercredi après-midi plus tôt que prévu et j’ai trouvé notre deuxième fils, âgé de dix ans, devant l’ordinateur familial, avec deux de ses copines, de, respectivement, dix et neuf ans. Ma femme avait été contrainte de s’absenter quelques minutes et les avait laissés tous les trois devant un DVD sur l’ordinateur. Notre fils m’a soudain demandé : « Papa, c’est quoi lX XXXX [nom d’une pratique sexuelle] ». Il semblerait que la petite fille de neuf ans ait chanté à ses deux amis une chanson comportant cette pratique sexuelle et qu’ils aient voulu connaître la signification de ce terme !
Je me suis précipité sur l’historique de l’ordinateur et j’ai constaté que ces trois enfants avaient cherché ce terme sexuel sur YouTube ! Heureusement, j’avais pris soin d’activer les options de SafeSearch sur YouTube (ainsi que sur les moteurs de recherche) et ils n’ont rien trouvé !
L’histoire ne s’arrête pas là. Cette mésaventure est arrivée aux oreilles de notre aîné (bientôt douze ans) qui a demandé, en plein cours de solfège, l’orthographe de ce terme sexuel à un camarade. Ce dernier a dégainé son smartphone et ils ont rapidement trouvé la bonne écriture. Il semblerait que leur recherche se soit arrêtée là. Mais je frémis à l’idée de ce qu’ils auraient pu trouver…
Morale de cette histoire :
• le minimum que nous devons faire pour protéger nos enfants est d’activer les options de SafeSearch sur les moteurs de recherche et les sites de vidéo.
• les parents qui confient un smartphone à leurs enfants devraient activer les systèmes de protection disponibles sur ces appareils. Les filtres proposés par votre opérateur de téléphonie mobile ne fonctionnent que lorsque l’appareil de votre enfant est connecté au réseau de téléphonie mobile de votre opérateur ; vous pouvez aussi sécuriser votre borne Wifi ; mais toutes ces précautions deviennent inopérantes lorsque votre enfant connecte son smartphone à Internet depuis une borne Wifi non sécurisée (par exemple chez un copain).
J’ai déjà expliqué comment sécuriser un appareil sous iOS (iPhone, iPad, iPod Touch…).
Voici comment sécuriser un appareil sous Android.
Mardi 8 avril, je donnerai deux conférences à Blainville sur Orne (14) : « Du bon usage des nouvelles technologies »
College Langevin Wallon, 1 Rue Gabriel Péri, 14550 Blainville-sur-Orne, France