La nouvelle licence Linux divise le logiciel libre

La refonte de la licence qui s’applique à la plupart des logiciels libres va donner lieu à un débat public.

Peu d’utilisateurs de Linux le savent, mais la licence qui protège le plus célèbre des logiciels libres est en cours de révision. Le processus a été lancé le 16 janvier dernier à Boston par la FSF (Free Software Foundation), la fondation qui détient les droits sur Linux. L’événement est de taille, car des millions de personnes, développeurs ou simples internautes, sont concernés par les modifications de ce contrat de 5 pages. Les conséquences économiques, également, sont potentiellement très importantes. La société d’études de marché IDC estimait qu’en 2004, Linux avait généré un chiffre d’affaires de 15 milliards de dollars dans le monde ; un montant qui devrait dépasser les 35 milliards en 2008.

Linux n’est d’ailleurs pas le seul produit concerné par cette refonte. La plupart des autres logiciels libres sont en effet couverts par la même licence. Ces programmes _ qui, à la différence des logiciels dits « propriétaires », peuvent être modifiés ou améliorés par tout le monde _ sont, sur le plan juridique, extrêmement fragiles : il suffit qu’une personne les retouche très légèrement pour que celle-ci en fasse des produits propriétaires. « D’où la nécessité de les protéger par une licence qui définit précisément leurs conditions de modification, d’exploitation et de distribution », explique Eben Moglen, professeur de droit à l’université Columbia de New York, qui est l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la législation des logiciels libres.

Ces licences sont généralement appelées « copyleft » par opposition à copyright, « droit d’auteur ») : elles stipulent que quiconque redistribue le programme, avec ou sans modification, doit transmettre aussi la liberté de copier et de modifier ce fichier. Il en existe une vingtaine _ MIT Licence, Sleepycat Licence, Zlib… _, mais la plus utilisée est la GNU GPL (GNU General Public Licence ; licence publique générale de GNU).

En 1991, Linus Torvalds, un étudiant finlandais, écrit Linux, un noyau _ logiciel qui contrôle les fonctions de base de l’ordinateur _ compatible avec GNU, l’Unix gratuit développé par Richard Stallman, du MIT. Il recherche alors une licence qui permette deux choses : que d’autres personnes puissent accéder au code et que les améliorations apportées restent disponibles. Son choix se porte sur GNU GPL. Cette licence est tellement bien faite que Steve Ballmer, le PDG de Microsoft, l’a qualifiée de « cancer » : la GPL stipule que, si un bout de logiciel libre est incorporé dans un programme propriétaire, ce dernier devient automatiquement libre !

« Il était grand temps de réviser la licence GPL, avertit Eben Moglen, qui conseille la FSF, dirigée par Richard Stallman. Elle se trouve confrontée à de très nombreuses législations de la propriété intellectuelle nationales, pour lesquelles elle n’est pas toujours très bien adaptée. Et de nouveaux usages de l’informatique sont apparus : Internet, l’écoute de musique, la diffusion de vidéos. » Une nouvelle version, élaborée par la FSF avec l’aide d’Eben Moglen, a été présentée le 16 janvier. Richard Stallman souhaite que des logiciels protégés par la GPL ne puissent pas être bloqués par des programmes de DRM (Digital Rights Management). Et il veut empêcher tout utilisateur de la GPL de déposer un brevet personnel sur des modifications de code.
« Réflexion collective »

Autant de propositions que tout un chacun peut commenter sur Internet ou au cours des réunions organisées dans plusieurs pays (dont, peut-être, la France). Un deuxième texte est prévu pour cet été, et, s’il le faut, un troisième pour la fin de l’année. « C’est exactement le processus qu’il fallait mettre en oeuvre, se félicite Mark Webbink, vice-président de Red Hat, un des plus gros distributeurs de produits Linux. Nous-mêmes allons prendre part au débat. »« En tout cas, c’est une démarche intéressante : ce type de réflexion collective est plutôt rare en droit », remarque Mélanie Clément-Fontaine, qui prépare une thèse sur les oeuvres libres à l’université de Montpellier et qui enseigne au Cerdi (Centre d’études et de recherche en droit de l’immatériel), à Paris.

Il est bien sûr trop tôt pour connaître le résultat de ce travail. « Ne vous inquiétez pas, rassure Eben Moglen. La FSF sait très bien que la nouvelle licence devra pleinement respecter les droits des actuels utilisateurs. » Dernier épisode en date : dans un forum de discussion cité par News.com, Linus Torvalds s’est récemment opposé à cette évolution. A l’inverse de Richard Stallman, le père de Linux ne souhaite pas empêcher le développement de technologies de DRM sur les logiciels libres. Une prise de position qui ne va pas manquer de relancer le débat.

Jacques Henno (article paru dans Les Echos le 1er février 2006)

Les notes ne sont pas dans le livre, pourquoi ?

Plusieurs lecteurs me demandent pourquoi les appels de note contenus dans le corps du texte ne renvoient pas à des notes en fin d’ouvrage, mais à un site web.

Tout d’abord, beaucoup de ces appels de note renvoyant à des sites internet, il nous a semblé, à mon éditeur et à moi-même, plus confortable pour le lecteur que ce dernier puisse les consulter directement en ligne et ainsi plus facilement vérifier mes affirmations.

Ensuite, la mise à jour de ces liens internet est plus facile sur le web.

N’hésitez à me faire part de vos remarques par rapport à ce système de consultation des notes.

Jacques Henno

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