Tous les articles par Jacques Henno

Independent journalist, speaker, writer focused on ICT / Journaliste, auteur et conférencier, spécialiste des nouvelles technologies.

Quand les circuits électroniques s'imprimeront

Depuis quelques semaines, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris teste une combinaison munie de capteurs des rythmes cardiaques et respiratoires, d’un GPS, d’un accéléromètre, d’une balise visuelle et sonore, d’un détecteur de gaz, sans oublier une connexion Wi-Fi. Objectif : suivre les déplacements des soldats du feu et déclencher l’alarme si l’un d’eux est en difficulté. Pour l’instant, les composants électroniques de ce prototype sont en silicium, et donc fragiles. Mais, à terme, cette combinaison, développée dans le cadre du programme européen Proetex, utilisera de l’électronique organique.

L’électronique organique ? Ce sont des transistors, des capteurs, des puces RFID, des cellules photovoltaïques, voire des batteries, réalisés non plus en silicium, mais en matériaux organiques, composés de carbone et d’hydrogène (lire ci-dessous). Ils présentent plusieurs avantages : ils sont flexibles – d’où, par exemple, la possibilité de les glisser dans des habits. Surtout, ils sont plus faciles à produire et donc moins chers que les composants classiques. Certains d’entre eux peuvent même… s’imprimer !

« L’électronique organique ne va pas remplacer l’électronique classique, précise Gilles Horowitz, professeur de physique et chimie à l’université de Paris Diderot Paris-VII. Mais elle va permettre de faire de l’électronique bon marché et sur de grandes surfaces. » Chez Sofileta, une entreprise française spécialisée dans les textiles techniques (pour les pompiers, les militaires, les ouvriers de la chimie…), qui a participé au programme Proetex, on a vite compris l’intérêt de cette technologie. « L’électronique organique imprimée va permettre une rupture en termes de design et d’usage. On peut imaginer un bracelet contenant tout le dossier médical des patients d’un hôpital, voire un téléphone mobile qui se porterait au poignet… », précise Laurent Jamet, responsable du développement de Sofileta.

Mais, évidemment, d’autres s’y intéressent. Plusieurs entreprises annoncent pour les prochains mois des produits à base d’électronique organique. Konarka, aux Etats-Unis, utilise notamment des brevets européens développés par un professeur de l’université de Linz, en Autriche, pour mettre au point des capteurs solaires pliables. PolyIC, installé à Fürth, près de Nuremberg, en Allemagne, veut imprimer les puces RFID par rouleaux entiers. Toujours en Allemagne, une « Organic Valley » est en train de se constituer près de Dresde. C’est là, par exemple, que Plastic Logic, une société américaine d’origine anglaise (elle utilise des brevets déposés par l’université de Cambridge), a inauguré en septembre dernier une usine d’où devraient sortir au premier semestre 2009, ses premiers lecteurs électroniques, contenant chacun un million de transistors organiques. C’est également à Dresde que se trouve Novaled, spécialiste des Oled (diodes électroluminescentes organiques). En Finlande, l’industrie papetière espère trouver de nouveaux débouchés grâce à l’électronique organique : les capteurs, médicaux ou industriels, pourront être imprimés directement sur le papier. A Oulu, au nord du pays, l’université et VTT, un laboratoire public, planchent sur ces applications.

En France, les entreprises sont plutôt timides. « C’est un métier qui suppose à la fois des compétences en électronique, en chimie et en imprimerie : il est donc normal que les Allemands s’y soient intéressés avant nous », explique Laurent Jamet, de Sofileta. Cette PME familiale, installée à Bourgoin-Jallieu, entre Lyon et Chambéry, s’est lancée dans l’aventure organique depuis bientôt deux ans : elle fait partie du programme Printronics, intégré au pôle de compétitivité Minalogic de Grenoble. Son but est de développer une filière de composants électroniques organiques imprimés, en mettant au point des lignes de production par impression qui coûteraient quelques dizaines de millions d’euros, contre plusieurs milliards pour la moindre usine de composants en silicium. Le projet Printronics, doté d’un budget de 20 millions d’euros, rassemble, outre Sofileta, le Commissariat à l’énergie atomique (à travers deux de ses laboratoires de Grenoble et de Chambéry, le Liten et le Leti), STMicroelectronics (électronique flexible), Nanoident Biometrics (capteurs biométriques) et Infiniscale (logiciels de conception électronique).

Pour l’instant, toutes les lignes d’impression des composants organiques ne sont que des pilotes. « Nous avons lancé notre ligne de démonstration à l’automne 2007, mais nous ne vendons pas encore nos puces RFID », reconnaît Wolfgang Mildner, directeur général de PolyIC, une entreprise pourtant considérée par ses pairs comme une des plus en avance. Le sujet est tellement sensible que tous les industriels gardent secrets leurs travaux de recherche. Quand on questionne Rick Hess, PDG de Konarka, qui annonce pour 2009 le lancement commercial de ses premiers capteurs photovoltaïques flexibles, il botte en touche en répondant : « La technologie Konarka peut être imprimée à l’aide de différentes méthodes, y compris la flexographie, la gravure, la sérigraphie et le jet d’encre : nous devons juste adapter la formulation des matériaux. »

Même s’il reste plusieurs verrous technologiques à débloquer, les consultants sont enthousiastes. Plusieurs cabinets d’études estiment que l’électronique organique imprimée va « exploser » au cours des prochaines années. « Nous prévoyons que ce segment représentera en 2015 un marché de 15 milliards de dollars dans le monde », avance Harry Zervos, analyste chez Idtechex, un organisme anglais.

L’avènement de l’électronique organique suppose de résoudre plusieurs problèmes techniques.

Pour mettre au point des composants électroniques organiques, il faudra avoir innové dans quatre domaines. Tout d’abord, et ce qui est le plus important, la précision de l’impression. Les composants électroniques organiques comprennent en effet au moins quatre couches qui doivent être déposées les unes après les autres : une couche de conducteur, une couche de semi-conducteur, une couche d’isolant électrique et un support (le substrat). Le substrat se mesure en micromètres (millionièmes de mètre) et les autres couches s’évaluent en nanomètres (milliardièmes de mètre).

« Pour l’instant, les techniques d’impression évaluées (héliogravure, flexographie, sérigraphie, voire jet d’encre…) ne donnent une excellente précision que pour des couches de 15 micromètres », prévient Edzer Huitema, directeur technique de PolymerVision, une société hollandaise qui annonce pour la fin de cette année un téléphone portable doté d’un écran noir et blanc flexible et repliable de cinq pouces, dont la couche de semi-conducteurs est organique (mais ne sera pas imprimée).

Les techniques utilisées pour graver le cylindre d’impression et la matière même de ce cylindre doivent être améliorées. Sans oublier que les différentes couches imprimées doivent être parfaitement alignées les unes par rapport aux autres : au moindre décalage d’un micromètre, c’est l’erreur. Enfin, le substrat doit recevoir l’encre, mais sans faire « buvard » : l’impression doit être extrêmement nette. En France, le projet Printronics propose de résoudre les problèmes du substrat avec Dupont de Nemours et Toray Plastics Europe (films plastique polyester, dans l’Ain).

Deuxième aspect important : l’encre. Toute la maîtrise de l’impression de ces polymères dépend en effet de la visc
osité et de « mouillabilité » (facilité avec laquelle elle s’étend) de l’encre qui les contient. « Celle-ci doit se mettre facilement dans la gravure des cylindres de l’imprimante, mais elle doit aussi facilement en sortir pour se déposer précisément sur le film substrat », précise Bertrand Fillon, responsable des programmes du CEA Liten.

Le vieillissement de ces nouveaux composants électroniques constitue un troisième obstacle : il faut, par exemple, les protéger, à l’aide de couches « hautes barrières », contre l’eau et l’oxygène. Plastipolis, le pôle de compétitivité plasturgie, installé à Oyonnax, dans l’Ain, possède des programmes de recherche sur le vieillissement et des propriétés « barrières » des polymères. Enfin, restera à contrôler à la volée les milliers de composants électroniques organiques qui seront imprimés chaque minute. Là, c’est l’électronique classique qui va donner un coup de main à sa petite soeur !

Les diodes organiques sont déjà présentes sur les appareils mobiles

Depuis les années 1970, on sait que certains polymères possèdent des capacités semi-conductrices. Alan J. Heeger (université de Californie à Santa Barbara), Alan G. MacDiarmid (université de Pennsylvanie) et Hideki Shirakawa (université de Tsukuba, Japon) reçurent le prix Nobel de chimie en 2000 pour leur découverte. Pour l’instant, les polymères semi-conducteurs sont surtout utilisés pour des écrans. En 1987, un chercheur de Kodak rédigea la première étude sur les diodes électroluminescentes organiques (Oled en anglais, Delo en français). Pionnier, à la fin des années 1990, utilisa les premiers Oled pour un autoradio. Aujourd’hui, les écrans Oled sont présents sur près de la moitié des baladeurs MP3. Sony a commercialisé au Japon et aux Etats-Unis sa première télé Oled au début de cette année. Prix : 2.500 dollars pour un écran de 11 pouces de diagonale, mais de seulement 3 millimètres d’épaisseur.

Jacques Henno

Article paru dans Les Echos (section Innovation), le 14 octobre 2008

Quand les circuits électroniques s’imprimeront

Depuis quelques semaines, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris teste une combinaison munie de capteurs des rythmes cardiaques et respiratoires, d’un GPS, d’un accéléromètre, d’une balise visuelle et sonore, d’un détecteur de gaz, sans oublier une connexion Wi-Fi. Objectif : suivre les déplacements des soldats du feu et déclencher l’alarme si l’un d’eux est en difficulté. Pour l’instant, les composants électroniques de ce prototype sont en silicium, et donc fragiles. Mais, à terme, cette combinaison, développée dans le cadre du programme européen Proetex, utilisera de l’électronique organique.

L’électronique organique ? Ce sont des transistors, des capteurs, des puces RFID, des cellules photovoltaïques, voire des batteries, réalisés non plus en silicium, mais en matériaux organiques, composés de carbone et d’hydrogène (lire ci-dessous). Ils présentent plusieurs avantages : ils sont flexibles – d’où, par exemple, la possibilité de les glisser dans des habits. Surtout, ils sont plus faciles à produire et donc moins chers que les composants classiques. Certains d’entre eux peuvent même… s’imprimer !

« L’électronique organique ne va pas remplacer l’électronique classique, précise Gilles Horowitz, professeur de physique et chimie à l’université de Paris Diderot Paris-VII. Mais elle va permettre de faire de l’électronique bon marché et sur de grandes surfaces. » Chez Sofileta, une entreprise française spécialisée dans les textiles techniques (pour les pompiers, les militaires, les ouvriers de la chimie…), qui a participé au programme Proetex, on a vite compris l’intérêt de cette technologie. « L’électronique organique imprimée va permettre une rupture en termes de design et d’usage. On peut imaginer un bracelet contenant tout le dossier médical des patients d’un hôpital, voire un téléphone mobile qui se porterait au poignet… », précise Laurent Jamet, responsable du développement de Sofileta.

Mais, évidemment, d’autres s’y intéressent. Plusieurs entreprises annoncent pour les prochains mois des produits à base d’électronique organique. Konarka, aux Etats-Unis, utilise notamment des brevets européens développés par un professeur de l’université de Linz, en Autriche, pour mettre au point des capteurs solaires pliables. PolyIC, installé à Fürth, près de Nuremberg, en Allemagne, veut imprimer les puces RFID par rouleaux entiers. Toujours en Allemagne, une « Organic Valley » est en train de se constituer près de Dresde. C’est là, par exemple, que Plastic Logic, une société américaine d’origine anglaise (elle utilise des brevets déposés par l’université de Cambridge), a inauguré en septembre dernier une usine d’où devraient sortir au premier semestre 2009, ses premiers lecteurs électroniques, contenant chacun un million de transistors organiques. C’est également à Dresde que se trouve Novaled, spécialiste des Oled (diodes électroluminescentes organiques). En Finlande, l’industrie papetière espère trouver de nouveaux débouchés grâce à l’électronique organique : les capteurs, médicaux ou industriels, pourront être imprimés directement sur le papier. A Oulu, au nord du pays, l’université et VTT, un laboratoire public, planchent sur ces applications.

En France, les entreprises sont plutôt timides. « C’est un métier qui suppose à la fois des compétences en électronique, en chimie et en imprimerie : il est donc normal que les Allemands s’y soient intéressés avant nous », explique Laurent Jamet, de Sofileta. Cette PME familiale, installée à Bourgoin-Jallieu, entre Lyon et Chambéry, s’est lancée dans l’aventure organique depuis bientôt deux ans : elle fait partie du programme Printronics, intégré au pôle de compétitivité Minalogic de Grenoble. Son but est de développer une filière de composants électroniques organiques imprimés, en mettant au point des lignes de production par impression qui coûteraient quelques dizaines de millions d’euros, contre plusieurs milliards pour la moindre usine de composants en silicium. Le projet Printronics, doté d’un budget de 20 millions d’euros, rassemble, outre Sofileta, le Commissariat à l’énergie atomique (à travers deux de ses laboratoires de Grenoble et de Chambéry, le Liten et le Leti), STMicroelectronics (électronique flexible), Nanoident Biometrics (capteurs biométriques) et Infiniscale (logiciels de conception électronique).

Pour l’instant, toutes les lignes d’impression des composants organiques ne sont que des pilotes. « Nous avons lancé notre ligne de démonstration à l’automne 2007, mais nous ne vendons pas encore nos puces RFID », reconnaît Wolfgang Mildner, directeur général de PolyIC, une entreprise pourtant considérée par ses pairs comme une des plus en avance. Le sujet est tellement sensible que tous les industriels gardent secrets leurs travaux de recherche. Quand on questionne Rick Hess, PDG de Konarka, qui annonce pour 2009 le lancement commercial de ses premiers capteurs photovoltaïques flexibles, il botte en touche en répondant : « La technologie Konarka peut être imprimée à l’aide de différentes méthodes, y compris la flexographie, la gravure, la sérigraphie et le jet d’encre : nous devons juste adapter la formulation des matériaux. »

Même s’il reste plusieurs verrous technologiques à débloquer, les consultants sont enthousiastes. Plusieurs cabinets d’études estiment que l’électronique organique imprimée va « exploser » au cours des prochaines années. « Nous prévoyons que ce segment représentera en 2015 un marché de 15 milliards de dollars dans le monde », avance Harry Zervos, analyste chez Idtechex, un organisme anglais.

L’avènement de l’électronique organique suppose de résoudre plusieurs problèmes techniques.

Pour mettre au point des composants électroniques organiques, il faudra avoir innové dans quatre domaines. Tout d’abord, et ce qui est le plus important, la précision de l’impression. Les composants électroniques organiques comprennent en effet au moins quatre couches qui doivent être déposées les unes après les autres : une couche de conducteur, une couche de semi-conducteur, une couche d’isolant électrique et un support (le substrat). Le substrat se mesure en micromètres (millionièmes de mètre) et les autres couches s’évaluent en nanomètres (milliardièmes de mètre).

« Pour l’instant, les techniques d’impression évaluées (héliogravure, flexographie, sérigraphie, voire jet d’encre…) ne donnent une excellente précision que pour des couches de 15 micromètres », prévient Edzer Huitema, directeur technique de PolymerVision, une société hollandaise qui annonce pour la fin de cette année un téléphone portable doté d’un écran noir et blanc flexible et repliable de cinq pouces, dont la couche de semi-conducteurs est organique (mais ne sera pas imprimée).

Les techniques utilisées pour graver le cylindre d’impression et la matière même de ce cylindre doivent être améliorées. Sans oublier que les différentes couches imprimées doivent être parfaitement alignées les unes par rapport aux autres : au moindre décalage d’un micromètre, c’est l’erreur. Enfin, le substrat doit recevoir l’encre, mais sans faire « buvard » : l’impression doit être extrêmement nette. En France, le projet Printronics propose de résoudre les problèmes du substrat avec Dupont de Nemours et Toray Plastics Europe (films plastique polyester, dans l’Ain).

Deuxième aspect important : l’encre. Toute la maîtrise de l’impression de ces polymères dépend en effet de la viscosité et de « mouillabilité » (facilité avec laquelle elle s’étend) de l’encre qui les contient. « Celle-ci doit se mettre facilement dans la gravure des cylindres de l’imprimante, mais elle doit aussi facilement en sortir pour se déposer précisément sur le film substrat », précise Bertrand Fillon, responsable des programmes du CEA Liten.

Le vieillissement de ces nouveaux composants électroniques constitue un troisième obstacle : il faut, par exemple, les protéger, à l’aide de couches « hautes barrières », contre l’eau et l’oxygène. Plastipolis, le pôle de compétitivité plasturgie, installé à Oyonnax, dans l’Ain, possède des programmes de recherche sur le vieillissement et des propriétés « barrières » des polymères. Enfin, restera à contrôler à la volée les milliers de composants électroniques organiques qui seront imprimés chaque minute. Là, c’est l’électronique classique qui va donner un coup de main à sa petite soeur !

Les diodes organiques sont déjà présentes sur les appareils mobiles

Depuis les années 1970, on sait que certains polymères possèdent des capacités semi-conductrices. Alan J. Heeger (université de Californie à Santa Barbara), Alan G. MacDiarmid (université de Pennsylvanie) et Hideki Shirakawa (université de Tsukuba, Japon) reçurent le prix Nobel de chimie en 2000 pour leur découverte. Pour l’instant, les polymères semi-conducteurs sont surtout utilisés pour des écrans. En 1987, un chercheur de Kodak rédigea la première étude sur les diodes électroluminescentes organiques (Oled en anglais, Delo en français). Pionnier, à la fin des années 1990, utilisa les premiers Oled pour un autoradio. Aujourd’hui, les écrans Oled sont présents sur près de la moitié des baladeurs MP3. Sony a commercialisé au Japon et aux Etats-Unis sa première télé Oled au début de cette année. Prix : 2.500 dollars pour un écran de 11 pouces de diagonale, mais de seulement 3 millimètres d’épaisseur.

Jacques Henno

Article paru dans Les Echos (section Innovation), le 14 octobre 2008

Je serai ce soir à Arras pour parler de : "Comment aider les enfants à grandir avec les nouvelles technologies".

Je serai ce soir à l’Atria, 58 boulevard Carnot – 62000 ARRAS – pour expliquer « Comment aider les enfants à grandir avec les nouvelles technologies », à l’invitation des AFC (Associations Familiales Catholiques) du Pas de Calais, avec le soutien de l’UDAF (Union Départemental des Associations Familiales) et de la mairie d’Arras.

Contact :
Christophe de Boiry
Président Fédération AFC 62
03 21 22 20 59

A la recherche des nouvelles stars du Web

Parmi les lauréats de l’édition 2008 de Seedcamp, un projet français : Stupeflix, et son service de création automatique de vidéos.

La société n’est même pas encore officiellement créée, mais ses deux fondateurs font déjà beaucoup parler d’eux. Nicolas Steegmann, 28 ans, diplômé de Centrale Paris, ancien d’Exalead et François Lagunas, 31 ans, polytechnicien, passé également par Exalead, mais aussi par DailyMotion, grâce à leur projet Stupeflix. Un service Web de génération automatique de vidéos.

Ils font partie des sept vainqueurs du Seedcamp 2008 et vont désormais bénéficier des conseils d’un réseau mondial d’experts et d’investisseurs. “Seedcamp veut rassembler la communauté européenne des investisseurs dans les nouvelles technologies et lui faire rencontrer des entrepreneurs qui montent leur première société en Europe”, décrit Reshma Sohoni, la PDG de Seedcamp, interrogée par téléphone depuis Londres.

[1] Seedcamp a été créé en juin 2007 par Saul Klein, un ancien responsable de [2] Skype devenu spécialiste de l’investissement “early stage” (il siège lui-même au conseil d’administration de plus d’une dizaine d’entreprises). Son objectif est de favoriser le développement de l’esprit entrepreneurial dans les nouvelles technologies en Europe. “Et pour nous l’Europe, cela va de l’Irlande à la Turquie et Israël”, ajoute Reshma Sohoni. Un fonds de 5 millions de dollars assure le fonctionnement de Seedcamp, qui est en fait une société de capital-risque qui investit dans les projets primés.

Cette année, 23 projets avaient été sélectionnés pour participer à une semaine de compétition et d’échanges à Londres. “Rencontrer des investisseurs et les créateurs de Skype, Lastminute et de plein d’autres succès européens, ça n’a pas de prix”, estime Nicolas Steegmann. Même si, entre les panels où les futurs entrepreneurs devaient présenter leur projet en cinq minutes et les séances de coaching d’une heure avec des célébrités du Web, l’emploi du temps était extrêmement chargé. Mais aussi ponctué de bons moments.“Mon meilleur souvenir de cette semaine intensive a été d’entendre les rires positifs de l’[3] auditoire à la fin de notre présentation,” sourit Nicolas Steegmann.

Esprit d’entreprise et expertise technologique

A l’issue de cette semaine, sept projets ont été primés. Les lauréats viennent aussi bien de San Francisco que de Bucarest, Vienne ou Paris. “Nous avons été très impressionnés par l’équipe de [4] Stupeflix, qui associe l’esprit d’entreprise et l’expertise technologique, et par leur produit, qui constitue quasiment un nouveau média”, avoue Reshma Sohoni.

“Nous avons développé une API, avec tout ce qu’il faut dedans, y compris la sécurité et le paiement, pour générer des vidéos à partir de n’importe quel document – photo, vidéo, texte, musique – détenu par un internaute ou un professionnel”, détaille Nicolas Steegmann. “Le but est de créer des vidéos rapidement, mais avec une qualité professionnelle.”Grâce à un matériel spécifique (calcul parallèle et distribué sur plusieurs serveurs) et à un langage utilisé par les programmeurs de jeux vidéo, une courte vidéo en haute définition devrait prendre une minute à fabriquer.

Un site Web, où le grand public pourra créer gratuitement des vidéos de quelques dizaines de secondes ou en basse définition, devrait voir le jour d’ici à deux mois. Les services professionnels (vidéos plus longues et en haute définition) seront payants et devraient être proposés dans quelques mois via des sites partenaires, avec qui Stupeflix partagera les revenus. “Et nous avons également dans les cartons une API pour l’[5] iPhone, révèle Nicolas Steegmann. Nous avons été séduits par la facilité de programmation pour l’iPhone : une semaine nous a suffi pour réaliser un prototype.”

Prochaine étape : grâce aux 50 000 euros versés par Seedcamp (en échange d’une petite partie du capital de la future société), Nicolas Steegmann et François Lagunas vont pouvoir passer trois mois à Londres peaufiner leur projet. Ils vont continuer à bénéficier des conseils de créateurs d’entreprise avisés et devront passer deux étapes : une présentation devant les autres lauréats et quelques investisseurs au cours de la sixième semaine et une journée de rencontres avec des capitaux-risqueurs durant la dixième semaine.“Je ne sais pas encore où je vais loger à Londres, mais je vais me débrouiller”, s’inquiète Nicolas Steegmann. Bah, avec la crise des subprimes, il paraît que les loyers baissent dans la City !