Double-numérique : comment s’emparent-ils de nos données ?




Je suis intervenu vendredi 25 janvier 2013 lors de l' »Université des Correspondants Informatique et Libertés » sur le thème : «Double Numérique : comment s’emparent-ils de nos données ?»
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Journaliste, spécialiste des nouvelles technologies, j’écris des livres sur deux sujets : l’impact des nouvelles technologies sur l’éducation de nos enfants (voir le site Nosenfants.fr) et l’impact des nouvelles technologies sur notre vie privée (voir Tousfiches.com).
En 2012, j’ai donné plus de cinquante conférences sur ces deux thèmes (voir Lesconfs.net).
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J’ai tout à fait conscience de l’énorme richesse que représente la masse incroyable d’informations que les hommes produisent. Plusieurs estimations existent. En voici une : chaque année, l’humanité publie sous forme numérique et donc sous une forme accessible, entre autres, sur Internet, une quantité d’informations qui est l’équivalent d’une colonne de DVD qui irait de la Terre à la Lune et retour. Cela fait des millions de DVD, avec sur chacun de ces DVD, l’équivalent des textes de 3 000 livres de 200 pages.
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L’humanité n’a jamais eu accès à une telle quantité d’informations et le travail de certains de nos enfants, dans quelques années, consistera à exploiter cette masse d’informations incroyable, afin de mettre au point des services qui faciliteront la vie des habitants de notre belle planère bleue.
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Je ne suis donc pas très inquiet lorsqu’un célèbre moteur de recherche utilise les mots-clés que nous utilisons pour prédire les épidémies de grippe avec trois jours d’avance sur les observatoires officiels de la grippe.

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Je ne suis pas trop inquiet, car ces donnés sont « anonymisées », même si l’on peut s’interroger sur l’efficacité des techniques d’anonymisation utilisées par ce célèbre moteur de recherche…

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Voici le genre d’informations que notre navigateur transmet à un moteur de recherche, lorsque nous effectuons une recherche sur Internet. Ici, une Américaine commence par se demander si elle est enceinte, puis si boire du soda «diet» (c’est-à-dire avec de l’aspartame à la place du sucre) est bon pour la santé ; elle se demande ensuite si elle attend des jumeaux, avant de rechercher des tests qui lui permettraient de savoir si elle attend un garçon ou une fille. Et ça se termine mal : elle recherche des informations sur comment divorcer pour pas cher !
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En revanche, je suis inquiet quand le même célèbre moteur de recherche modifie ses conditions d’utilisations pour créer une véritable usine à gaz qui lui permettra de nous suivre à la trace au cours de nos déplacements à travers les différents services qu’il propose. Son objectif ? Accumuler le maximum d’informations sur nous, afin de pouvoir, ensuite, nous afficher des publicités ciblées…
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Sans que nous en ayons pleinement conscience, se crée à côté de nous, ce que j’appelle un « double numérique »* de nous-mêmes, composé des traces que nous laissons sur Internet, mais aussi des différents fichiers que des entreprises, un peu partout dans le monde, possèdent sur nous. Nous ignorons jusqu’à l’existence même de ce « double numérique » et savons encore moins quelles utilisations en sont faites. Ce « double numérique » peut voyager partout grâce aux réseaux de communications modernes. Il peut être déjà prêt à l’emploi, stocké quelque part sur des serveurs. Ou être constitué, à la volée, en croisant en quelques centièmes de seconde des informations existant déjà sur nous et éparpillées dans d’autres fichiers.

* j’ai utilisé l’expression « Double Numérique » pour la première fois le samedi 7 janvier 2006, alors que j’étais invité de l’émission Parenthèse, de Laurence Luret, sur France Inter  
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On s’en doute, les utilisations commerciales de ce « double numérique » sont extrêmement nombreuses : estimer notre pouvoir d’achat, cerner nos centres d’intérêt, nous suggérer des achats, etc. Il constitue, par exemple, un outil parfait pour le yield management, l’optimisation du prix de vente, en jouant sur l’offre et la demande.

Mais il y a pire : le « double numérique » peut aussi servir à évaluer notre degré de dangerosité ou nos opinions politiques ! Saviez-vous que certains sites, sur lesquels nous nous apprêtons à utiliser notre carte bancaire pour régler un achat en ligne ou sur lesquels nous nous inscrivons pour la première fois pour vendre des objets, consultent notre « double numérique » pour calculer notre probabilité d’être un mauvais payeur ou un mauvais vendeur ? Paypal, le service de paiement en ligne, qui appartient à eBay, est ainsi capable en moins de trois secondes d’autoriser quelqu’un à se créer un compte chez lui. Ou à bloquer la transaction.

Le grand danger potentiel est bien sûr l’utilisation de notre « double numérique » à des fins politiques. Que se passerait-il si une entreprise collectait des informations sur nous sur Internet et les revendait à des partis politiques ou des syndicats ? C’est déjà le cas aux Etats-Unis…

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Connaissez-vous RapLeaf, une entreprise américaine qui affirme détenir des informations sur 80% des adresses e-mails américaines ?

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J’ai fait le test : RapLeaf affirme détenir des informations sur moi, citoyen français qui possède une adresse sur un webmail américain.
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Ces renseignements semblent approximatifs, puisque, je vous rassure, je n’ai pas encore 50 ans ;-))
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Voici toutes les catégories dans lesquelles RapLeaf affirme pouvoir nous ranger.

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Comment RapLeaf obtient-il toutes ces informations ? C’est très simple…
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Passons maintenant à Facebook. Avez-vous déjà essayé de créer une publicité sur Facebook ? Tout le monde peut le faire. Il suffit de cliquer sur le lien «Créer une publicité».

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Après avoir rédigé le texte de votre annonce, Facebook vous propose de choisir très précisément son audience.
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Et, là, oh surprise, vous vous apercevez que Facebook vous propose de cibler les internautes en fonction de leurs intérêts pour certaines pratiques sexuelles ou certaines drogues ! Vous trouverez tous les détails de l’utilisation de ces données sensibles sur mon blog Tous Fichés (lire l’épisode 1 : Les publicités Facebook ciblent nos préférences sexuelles ! ; l’épisode 2 avec l’avis de la CNIL et de son homologue irlandais ; l’épisode 3, avec la réponse officielle, mais décevante, de Facebook, ainsi qu’une interview de Benoit Dupont, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en sécurité, identité et technologie de l’Université de Montréal ; l’épisode 4 avec l’ultimatum que la CNIL irlandaise avait lancé à Facebook ; l’épisode 5 avec l’interview de Gary Davis, Commissaire Adjoint à la Protection des Données en Irlande, qui explique comment Facebook nous range dans telle ou telle catégorie pour nous afficher des publicités ciblées lorsque nous nous connectons à notre profil).

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Et, si, comme moi, vous souhaitez savoir dans quelle catégorie Facebook vous a rangé, vous trouverez la marche à suivre en cliquant ici.
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Facebook analyse en permanence tout ce que nous faisons et publions sur son site. Ce travail n’est pas exempt d’erreurs, comme le prouvent les archives sur les recherches que j’ai effectuées sur son site.
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Facebook peut également nous suivre à la trace en dehors de son réseau, grâce aux millions de boutons «J’aime » qui équipent des sites Web à travers le monde. Même si vous ne cliquez pas dessus !



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* j’ai utilisé l’expression « Double Numérique » pour la première fois le samedi 7 janvier 2006, alors que j’étais invité de l’émission Parenthèse, de Laurence Luret, sur France Inter  




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