Le spécialiste français des navires militaires acquiert un équipement en 3D pour faciliter la conception des sous-marins et leur présentation virtuelle aux clients
Les salles de réalité virtuelles se multiplient en France. Après les entreprises du secteur aérospatial, automobile, pétrolier, nucléaire, mais aussi de la maroquinerie de luxe, c’est au tour du monde naval militaire de succomber aux charmes des images en 3D !
Ou de re-succomber devrait-on plutôt dire : la DCNS (regroupement des activités navales de Thalès et de l’ex-DCN – la Direction des Chantiers Navals de la DGA, la Délégation Générale pour l’Armement) vient en effet de se doter d’une troisième installation de réalité virtuelle, cette fois à Cherbourg. Les deux premiers équipements (un reality center doté d’un écran hémicylindrique de sept mètres sur trois et une salle de travail avec un écran de deux mètres et demi sur deux) avaient été fournis fin 2005 aux bureaux de Lorient par la société belge Barco.
La salle de travail de Cherbourg est destinée au chantier des nouveaux SNA (sous-marins nucléaires d’attaque) de la classe Barracuda, dont six exemplaires ont été commandés par la Marine Nationale (livraisons prévues entre 2016 et 2027). Cette salle a été mise en place il y a quelques semaines par l’entreprise bordelaise Immersion, spécialisée dans la réalité virtuelle industrielle (20 personnes, 5,5 millions d’euros de chiffre d’affaires attendus sur juillet 2008-juin 2009 selon les données communiquées par cette société).
Un savant assemblage de compétences
Elle est constituée d’un écran de deux mètres et demi sur deux, qui reçoit les images de deux projecteurs de la marque norvégienne Projectiondesign ; ce flux provient lui-même d’un cluster de calculateurs graphiques HP munis de cartes graphiques nVidia Quadro. Les images sont le résultat d’un traitement informatique où interviennent successivement le logiciel de CAO (Conception Assistée par Ordinateur) utilisé par DCNS, un logiciel de 3D “brute” (Techviz) et un logiciel de réalité virtuelle (Virtools de Dassault Systèmes).
Enfin, un système de “tracking” fourni par la société allemande ART permet d’interagir avec la maquette virtuelle. “Des caméras situées autour de l’écran permettent de repérer dans l’espace la tête de l’opérateur, qui est équipé de lunettes 3D et d’un joystick”, détaille Christophe Chartier, patron d’Immersion. “L’opérateur peut ainsi dépl[1] acer un meuble ou ouvrir une porte.”
Permettre aux clients de mieux appréhender le résultat final
Le tout se pilote à l’aide d’une simple tablette tactile. Et coûte… “Entre 100 000 et 500 000 euros”, se contente de répondre Christophe Chartier. Chez DCNS, ces salles de réalité virtuelle sont utilisées essentiellement pour la validation de la conception des navires et pour la présentation aux clients de l’aménagement des vaisseaux. “Au niveau de la conception, la réalité virtuelle nous aide à détecter très en amont les problèmes que soulève l’intégration de systèmes complexes dans un navire armé”, poursuit Yves Le Thérisien. “Par exemple, le mauvais positionnement de consoles électriques, de plans de travail, ou encore des interférences physiques entre des équipements et des tuyaux.”
La réalité virtuelle permet de simuler pratiquement n’importe quelle pièce du navire : aussi bien le PCNO (Poste central de Navigation Opération) que la passerelle. Dans ce dernier cas, les concepteurs du navire peuvent s’assurer que le commandant verra tout son sous-marin, y compris les côtés, depuis le sommet du kiosque.
Plongés dans un univers virtuel, les clients ou futurs clients peuvent mieux s’approprier leur futur navire, voire juger de ses capacités. “Le cahier des charges des nouvelles frégates européennes multi-missions Fremm prévoit que, sur ces navires, les manoeuvres d’amarrage puissent se faire avec seulement sept personnes, contre onze sur les anciennes générations de frégate”, explique Yves Le Thérisien. “La réalité virtuelle nous a permis de simuler ces manoeuvres.”
Un moyen d’optimiser le gestion des projets
Les gains de temps sont aussi nombreux au moment des revues collaboratives pour faire le point sur l’avancement des projets. “Ces séances de travail, qui rassemblent des professionnels d’univers variés, sont beaucoup plus efficaces lorsqu’elles se déroulent dans une salle de réalité virtuelle”, constate Yves Le Thérisien. “Les personnes se comprennent mieux autour d’une maquette en 3D qu’autour d’un plan.”
Des travaux sont également en cours pour valider l’utilisation des salles de réalité virtuelle lors de l’assemblage et de la maintenance des vaisseaux. Au total, DCNS estime qu’une salle de réalité virtuelle s’amortit en deux ans.