Article paru dans le mensuel capital en janvier 1996
Le petit génie de l’informatique qui avait fondé Apple fait un come-back dans les «cartoons».
Cétait le Bill Gates des années 80. Cofondateur d’Apple à 21 ans, Steve Jobs avait lancé en 1984 le Macintosh, le micro-ordinateur qui a révolutionné l’informatique : pour la première fois, il suffisait de cliquer, à l’aide d’une souris, sur une icône pour lancer un logiciel. Mis à la porte en 1985 par John Sculley, le directeur général d’Apple qu’il avait lui-même fait venir de chez Pepsi, il avait fondé quelques mois plus tard une nouvelle société d’informatique, Next, qui continue aujourd’hui de se développer sur le marché des logiciels professionnels.
Dix ans plus tard, assagi (il ne roule plus en Porsche mais en Jeep Cherokee), Jobs fait un retour en fanfare dans le dessin animé. «Toy Story», le dernier succès des studios Walt Disney outre-Atlantique, ce film est sur le point de dépasser «Pocahontas» au box-office a en effet été entièrement réalisé en images de synthèse par la société d’animation vidéo Pixar, qu’il détient à 80%. Cette firme californienne, inconnue du grand public il y a encore quelques mois, est la nouvelle coqueluche des médias américains. Futé, l’ancien trublion de la Silicon Valley en a profité pour introduire une partie de sa société en Bourse. Bingo ! Fin novembre, les actions, proposées à 14 dollars, se sont vendues jusqu’à 49 dollars. A 40 ans, ce père de trois enfants se retrouve ainsi avec une plus-value potentielle de 1 milliard de dollars, à comparer aux 10 millions qu’il a déboursés en 1986 pour racheter Pixar à George Lucas.
L’ex-star de l’informatique avait flairé la bonne affaire dès le début des années 80, lorsque le producteur de «La Guerre des étoiles» lui avait fait visiter son entreprise. Ironie du sort, Steve Jobs avait tenté de l’acquérir lorsqu’il était encore président d’Apple, mais son conseil d’administration s’y était opposé. Finalement, c’est grâce aux 120 millions de dollars obtenus en liquidant, après son départ, sa participation dans le capital du constructeur d’ordinateurs qu’il a réalisé un vieux rêve : prendre pied dans l’industrie cinématographique.
En dix ans, Jobs a investi 50 millions de dollars supplémentaires dans Pixar. Le temps, pour son directeur artistique, John Lasseter, et son directeur technique, Ed Catmull, de mettre au point des logiciels qui permettent de réaliser en trois ans un dessin animé de 78 minutes avec seulement 110 personnes. Six fois moins que les équipes de Disney, pourtant réputées pour leur productivité ! Aux Etats-Unis, cette utilisation des techniques de la Silicon Valley par Hollywood a donné naissance à un néologisme : le «Siliwood»
Jacques Henno
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