Les suites de mon enquête sur les publicités Facebook qui permettent de cibler l’intérêt des internautes pour certaines pratiques sexuelles ou pour la drogue.
Il y a onze jours, j’ai publié ici même un article relatant l’étrange découverte que j’avais faite : Facebook permet aux annonceurs de cibler les internautes en fonction de leurs centres d’intérêt – déclarés ou supposés – pour certaines pratiques sexuelles ou pour la drogue.
J’avais transmis ces informations à la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) qui a confirmé mes inquiétudes. «Il s’agit d’une utilisation de données sensibles à des fins publicitaires, constate Sophie Nerbonne, directeur adjoint des affaires juridiques de la CNIL. L’accord préalable des internautes à l’utilisation de ces données aurait dû être recueilli par Facebook. Et le réseau social ne peut pas s’abriter derrière les conditions générales d’utilisation que doit approuver tout nouvel internaute qui s’inscrit à ses services : ce document ne peut pas suffire pour recueillir le consentement préalable à l’utilisation de données sensibles.» La CNIL insiste sur le fait que le G 29, un groupe de travail qui rassemble les CNIL européennes, voudrait aller encore plus loin : «Il recommande tout simplement l’interdiction des publicités utilisant des données sensibles», cite Sophie Nerbonne.
J’ai également contacté l’équivalent irlandais de la CNIL, the Office of the Data Protection Commissioner. Au sein du G 29, cet organisme est plus particulièrement chargé du dossier Facebook, puisque le siège social du réseau social, est, en Europe, installé à Dublin. «Le problème de la façon dont Facebook-Ireland utilise les informations fournies par ses utilisateurs pour cibler les publicités, a été soulevé lors de notre audit de l’entreprise, rappelle Catriona Holohan, du service communication du Office of the Data Protection Commissioner. […] Voici ce qu’en dit notre rapport : “Facebook a accepté de clarifier sa politique en ce sens, c’est-à-dire de permettre de cibler les publicités en fonction de mots-clés entrés par l’annonceur, mais de ne pas permettre le ciblage en fonction de catégories de données sensibles [définies par la CNIL irlandaise].”*»
Or, en Irlande, sont, entre autres, considérées comme données personnelles sensibles : «la santé ou la condition physique ou mentale de la personne ou sa vie sexuelle». Normalement, Facebook-Ireland a jusqu’en juillet pour se conformer à la demande du Office of the Data Protection Commissioner.
Enfin, j’ai soumis mes recherches au CDT (Center for Democracy & Technology) une ONG de Washington, qui milite pour le respect de la liberté d’expression et de la vie privée par les nouvelles technologies. Pour le CDT, le comportement de Facebook n’est pas clair. «Nous n’avons pas, aux Etats-Unis, beaucoup de lois de fond sur la confidentialité des données, déclare Justin Brookman, responsable, au sein du CDT, de la vie privée des consommateurs. Ce qui fait que, à moins que Facebook affirme qu’il s’engage à ne pas faire de ciblage à partir de ces catégories sensibles, c’est probablement légal, en tout cas du point de vue de la vie privée.»
Or, les règles de Facebook stipulent bien** :
«Le texte publicitaire ne doit pas faire valoir ou impliquer, directement ou indirectement, dans le contenu de la publicité ou en les ciblant, les caractéristiques personnelles d’un utilisateur entrant dans les catégories suivantes :
i. race ou origine ethnique ;
ii. religion ou croyances philosophiques ;
iii. âge ;
iv. orientation sexuelle ou vie sexuelle ;
v. identité sexuelle ;
vi. handicap ou état médical (notamment la santé physique ou mentale) ;
vii. état financier ou informations financières ;
viii. appartenance à un syndicat ; et
ix. casier judiciaire»
Pour l’instant, et malgré mes demandes répétées depuis le 16 mai 2012, Facebook n’a pas répondu à mes questions.
Sources :