Centrale nucléaire de San Onofre, en Californie où un premier prototype de « mini-détecteur » d’antineutrinos, fonctionne depuis 2003.
Algérie, Malaisie, Philippines… la liste des pays qui envisagent de construire des centrales nucléaires pour satisfaire leurs besoins en électricité s’allonge tous les mois ou presque. Et avec elle, grandissent les risques de prolifération nucléaire.
En effet, les barres de combustible qui servent de « carburant » aux centrales nucléaires contiennent de l’uranium 235 – le principal matériau fissible – et de l’uranium 238. Or une fois ces barres irradiées, l’uranium 238 se transforme peu à peu en uranium 239, qui, à son tour, dégénère en plutonium 239. Une fois récupéré, ce plutonium peut servir à la construction de bombes atomiques.
Une des pistes explorées pour confondre les Etats indélicats qui détourneraient le plutonium généré par leurs centrales nucléaires « civiles » est la détection des antineutrinos. Le Lawrence Livermore National Laboratory et le Sandia National Laboratories, deux des laboratoires de recherches du DOE (Department of Energy), le ministère américain en charge de tout ce qui touche au nucléaire, travaillent, par exemple, à la mise au point d’un détecteur d’antineutrinos pour contrôler l’activité des réacteurs civils. Les neutrinos (petits neutres) sont des particules élémentaires de charge électrique neutre et de masse quais nulle qui apparaissent lors d’un certain type de dégagement de radioactivité (désintégration des neutrons libres). Dans la nature, de telles réactions se produisent dans les objets cosmiques, les étoiles, etc. Les neutrinos furent « inventés » en 1930 par un physicien suisse d’origine autrichienne, Wolfgang Pauli, pour expliquer certaines anomalies constatées dans la radioactivité. L’existence des neutrinos et de leurs antiparticules, les antineutrinos, fut confirmée expérimentalement dans les années cinquante, lorsque deux Américains, Clyde Cowan et Frederick Reines, détectèrent ces particules près du réacteur nucléaire de Savannah River, en Caroline du Sud : chaque seconde, 1 000 milliards de milliards d’antineutrinos sortent du cœur d’une centrale nucléaire ! Pour ces recherches, Cowan et Reines reçurent le prix Nobel de physique en 1995.
Jusqu’ici les détecteurs d’antineutrinos pesaient des centaines de tonnes et étaient surtout utilisés en astrophysique. Pourtant, les chercheurs du DOE ont réussi à mettre au point un « petit détecteur » d’antineutrinos, de deux mètres sur trois et d’une tonne au total, capable de capter la quantité de ces particules émise par une centrale nucléaire, avec une marge d’erreur de 1%. Il permet d’estimer la quantité de plutonium produite dans le cœur du réacteur. Et, en recoupant ce chiffre avec les déclarations de l’opérateur, de repérer un éventuel détournement de plutonium à des fins militaires.
Principes de base ? On l’a dit, les barres de combustible qui servent de « carburant » aux centrales nucléaires contiennent de l’uranium 235 – le principal matériau fissible – et de l’uranium 238. Une fois ces barres irradiées, l’uranium 238 qu’elles contiennent se transforme peu à peu en uranium 239, qui, à son tour, dégénère en plutonium 239. Or le plutonium 239 émet moins d’antineutrinos que l’uranium 235. Résultat : plus le combustible reste longtemps dans le cœur de la centrale, plus il se charge en plutonium et moins il émet d’antineutrinos. Pour un réacteur à eau pressurisée d’une puissance thermique de 3 800 mégawatts, la quantité d’antineutrinos baisse ainsi de 6% en un an. Ce qui correspond à la production de 200 kilos de plutonium. Une autre caractéristique intéressante des antineutrinos émis par le plutonium 239 est d’être moins énergétiques que ceux relâchés par l’uranium 235. Connaître la proportion « antineutrinos très énergétiques/antineutrinos moins énergétiques » permet donc également d’évaluer la quantité de plutonium produite par le réacteur.
Un premier prototype de « mini-détecteur » d’antineutrinos, fonctionne depuis 2003 sous la plus importante centrale californienne, San Onofre, à 25 mètres du cœur du réacteur et à 17 mètres de profondeur (pour ne pas être perturbé par le rayonnement cosmique). Il est constitué de quatre réservoirs en acier inoxydable remplis d’un scintillateur liquide. Ce produit contient plein de protons et est constellé d’atomes de gadolinium. Quand un antineutrino rencontre un proton, ils créent un positron et un flash de photons ; une fraction de nanoseconde plus tard, un autre éclair survient quand le positron heurte un électron ; et après 30 microsecondes supplémentaires, un dernier flash résulte de la capture du neutron restant par un noyau de gadolinium. Ces émissions de lumières sont repérées par des tubes photomultiplicateurs situés au-dessus du scintillateur et forment une signature caractéristique non seulement de la quantité d’antineutrinos émis par le réacteur, mais également de l’énergie dégagée par ces antineutrinos.
Une expérience similaire devait démarrer à la centrale de Chooz, dans les Ardennes françaises. A terme, ce sont 400 réacteurs nucléaires civils installés dans le monde dont la production de plutonium pourrait être ainsi surveillée grâce aux antineutrinos.
Source : http://www.sciam.com/article.cfm?id=to-catch-a-plutonium-thief-try-antineutrinos