Dès 1980, les satellites américains avaient repéré la construction d’un réacteur modéré au graphite et refroidi au gaz à Yongbyon, à 90 kilomètres au nord de la capitale nord-coréenne. La centrale, d’une puissance thermique de 25 MW, a fonctionné de 1986 à 1994, date où elle fut placée sous cocon, dans le cadre d’un accord signé avec les Etats-Unis. En théorie, ce réacteur, s’il fonctionne à plein régime pendant 300 jours, peut produire chaque année 7,5 kilos de plutonium de qualité militaire. Mais les Nord-Coréens ont toujours affirmé qu’il n’avait atteint sa vitesse de croisière qu’au printemps 1989 et qu’il n’avait été déchargé en totalité qu’une seule fois, en 1994, avant sa mise sous scellé par l’AIEA. Toujours selon les Nord-Coréens, un seul déchargement partiel, portant sur 300 barres de combustible (soit 3,75% du total), était intervenu au printemps 1989 et avait permis, dans l’usine de retraitement située tout à côté, la production de 62 grammes de plutonium.
Mais l’analyse par spectrométrie gamma et spectrométrie de masse de poussières prélevées dans les rebuts et les « boîtes à gants » de cet atelier de retraitement montrèrent trois concentrations différentes d’isotopes, allant de l’Américium 241 au Plutonium 241. Ce qui semblait indiquer qu’il y avait eu au moins trois périodes de retraitement du plutonium : en 1989, 1990 et 1991. Les inspecteurs de l’AIEA en déduisirent que les Nord-Coréens avaient menti et qu’ils avaient en fait déchargé la totalité de la centrale de Yongbyon en 1989, puis retraité tout son combustible, obtenant ainsi entre 6,5 et 8,5 kilos de plutonium.
Mais lorsque les experts de l’AIEA voulurent pousser un peu plus loin leurs contrôles pour étayer leur hypothèse, les Nord-Coréens devinrent beaucoup, beaucoup moins coopératifs. Les inspecteurs tentèrent d’abord de mesurer la radioactivité de chacune des 8 000 barres de combustible retirées en 1994 du réacteur de Yongbyon et surtout de connaître son emplacement précis dans le cœur de la centrale : ils auraient ainsi pu calculer combien de temps ces barres étaient restées irradiées. Ce qui aurait permis de retracer l’activité de la centrale depuis ses débuts. Mais, bizarrement, les Nord-Coréens n’ont pas autorisé l’AIEA à pratiquer ces relevés. Pire, ils ont mélangé les barres entre elles dans plusieurs lieux de stockage, rendant ainsi impossible la reconstitution du plan de déchargement…
De même, lorsque les inspecteurs, renseignés par les satellites américains, voulurent visiter deux sites de stockage non déclarés, Pyongyang refusa…Puis Pyongyang expulsa les inspecteurs trop curieux et annonça son retrait du TNP. Finalement, ce retrait fut annulé un jour avant l’expiration du délai légal, puis réannoncé définitivement début 2003 après la révélation de nouvelles fraudes.
Le 18 juillet 2007, les inspecteurs de l’AIEA ont pu vérifier l’arrêt par les Nord-Coréens de toutes les installations de Yongbyon. « Mais il ne semble pas que la Corée du Nord se soit engagée à donner des indications précises sur son programme militaire et en particulier sur les quantités de plutonium dont elle dispose », tempère Thérèse Delpech, chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales et membre du conseil de l’Institut international d’études stratégiques de Londres (intervention lors de la conférence « Les enjeux du nucléaire : faut-il avoir peur de la guerre nucléaire ? de Kennedy à Ahmadinejad », organisée le 27 novembre 2007 à la BNF). « Une partie du plutonium nord-coréen serait arrivé en Syrie », avance même Elie Barnavie, historien et ancien ambassadeur d’Israël en France (même source).